Naissance et mort - MEDITATION et Liberté Bouddhisme et Spiritualité

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Naissance et mort

Philosophie
VARIATION AUTOUR DE CETTE PENSEE
Naissance et mort : Continuité de l’illusion. Qui meurt, qui naît ?
La mort n’est que celle du corps, l’esprit ne disparaît pas.
L'esprit, c'est un événement en perpétuelle évolution. Il faut se rappeler que l’esprit n’est pas une entité. C’est un flot dynamique d’expériences. Une succession d’instants de consciences.
« Tous les phénomènes sont projection de l'esprit, quant à l'esprit, il n'est pas d'esprit. L’esprit est vide d'essence. (Karmapa III) »
C'est une méditation d'une grande profondeur que l’on partage là. Elle touche au cœur même de la philosophie bouddhiste, et plus spécifiquement de la vision du Vajrayana et du Mahayana.
Ce texte déconstruit l'une des peurs les plus fondamentales de l'être humain — la peur de l'anéantissement — en changeant la définition même de ce que nous sommes.
Voici quelques reflets sur les points clés de cette pensée :
1. L'Esprit comme "Verbe" et non comme "Nom"
La distinction qui est faite est cruciale : « L’esprit n’est pas une entité. C’est un flot dynamique. »
Souvent, nous imaginons l'esprit comme un coffre (une entité) qui contient des pensées. Or, la vision qui est décrite suggère qu'il n'y a pas de coffre, seulement le mouvement des pensées elles-mêmes.
L'illusion de solidité : C'est la rapidité de la succession des instants de conscience qui crée l'illusion d'une continuité solide, tout comme les images rapides d'un film créent l'illusion du mouvement.
L'impermanence : Si l'esprit est un événement en perpétuelle évolution, il ne peut jamais "mourir" au sens strict, car il ne cesse de devenir. Il se transforme.
2. La Vacuité selon le 3ème Karmapa. La citation de Rangjung Dorje (le 3ème Karmapa) est une synthèse parfaite de la vue de la Vacuité :
« Tous les phénomènes sont projection de l'esprit, quant à l'esprit, il n'est pas d'esprit. L’esprit est vide d'essence. »
Cela semble paradoxal, mais c'est la clé de la libération dans cette philosophie :
Projection : Le monde extérieur tel que nous le percevons est coloré et façonné par notre propre esprit.
Absence d'essence : Si l'on cherche l'esprit, on ne peut le trouver nulle part. Il n'a ni couleur, ni forme, ni localisation. Il est "vide" d'existence propre, mais "plein" de potentiel lumineux et cognitif.
3. L'Analogie de la Rivière
Pour illustrer ce "flot dynamique" dont on parle, l'image de la rivière est souvent la plus parlante :
La rivière que l’on regarde aujourd'hui porte le même nom que celle d'hier. Pourtant, ce n'est pas la même eau, et le lit de la rivière a changé imperceptiblement.
Qui meurt ? L'eau qui est passée. Qui naît ? L'eau qui arrive. La continuité : C'est le mouvement (le courant) qui relie le tout sans qu'il y ait une "entité rivière" fixe.
En résumé
Cette perspective change le rapport à la mort : elle cesse d'être une fin tragique pour devenir une transition dans un processus continu. Si "je" ne suis pas une entité solide, alors "je" ne peux pas être détruit. Seule la forme change.
Explorons maintenant comment cette vision du "courant de conscience" explique le passage d'une vie à l'autre (le Bardo)
Si l'esprit est un flot continu et non une entité statique, alors le Bardo (littéralement "l'intervalle" ou "l'entre-deux") n'est pas un lieu où l'on va, mais un état de conscience que l'on traverse.
Dans la tradition tibétaine, et particulièrement en lien avec la citation du Karmapa, le Bardo est le moment où cette vérité — que tout est projection de l'esprit — éclate au grand jour.
Voici comment le Bardo s'articule avec la vision de la continuité de l'esprit :
1. La mise à nu de l'esprit
De notre vivant, ce flux de conscience est constamment captivé par les sens (ce que l'on voit, entend, touche) et par le corps physique. Le corps agit comme une ancre ou un filtre.
À la mort, cette ancre disparaît. L'esprit se retrouve "nu". Sans le support biologique, le flot dynamique d'expériences s'accélère et s'intensifie. C'est là que la compréhension de la vacuité devient vitale.
2. Les étapes du voyage (Les 3 Bardos de la mort)
Le voyage dans l'entre-deux est généralement décrit en trois phases successives qui testent la lucidité du défunt :
Le Bardo du moment de la mort : La Lumière Claire. Juste au moment où le souffle s'arrête, les voiles conceptuels tombent. L'esprit perçoit sa propre nature fondamentale : une luminosité vide, pure et sans limite.
L'enjeu : Si l'on reconnaît cette lumière comme étant notre propre nature (et non quelque chose d'extérieur), le flux se fond dans la vérité absolue. C'est la libération immédiate. La "continuité de l'illusion" s'arrête.
Le Bardo de la Réalité : Les Projections. Si l'on ne reconnaît pas la Lumière Claire (parce que l'habitude de l'ego est trop forte), l'esprit commence à projeter des visions. Des lumières, des sons tonitruants, des déités paisibles ou effrayantes apparaissent.
Le lien avec le texte : C'est l'illustration exacte de la phrase du Karmapa : « Tous les phénomènes sont projection de l'esprit ». Ces visions SONT l'esprit lui-même. Si l'on comprend que ces sons et ces formes ne sont que les reflets de notre propre conscience, on est libéré. Si on les prend pour des entités extérieures réelles, on prend peur ou on s'attache, et l'on retombe dans l'illusion.
Le Bardo du Devenir : Le retour vers la forme. Poussé par le vent du Karma (les habitudes accumulées), l'esprit cherche désespérément un nouveau support, un nouveau corps. C'est la phase de la renaissance.
3. L'illusion de la continuité
Dans le Bardo, ce qui transmigre n'est pas une "âme" personnelle (une entité fixe), mais ce flot dynamique dont on parle, chargé d'empreintes et d'habitudes.
L'image de la bougie : Imaginons qu'avec la flamme d'une bougie qui s'éteint, on allume une nouvelle bougie. La flamme de la nouvelle bougie n'est pas la même que la première, mais elle n'est pas non plus différente. Elle est la continuité du processus de combustion.
C'est ainsi que l'esprit passe d'une vie à l'autre : une causalité continue, sans entité permanente.
Pourquoi étudier le Bardo maintenant ?
Le Bardo n'est pas seulement ce qui se passe après la mort. Nous vivons des "micro-bardos" en permanence :
Entre une pensée qui s'éteint et une autre qui naît.
Entre l'état de veille et le sommeil.
S'entraîner à voir ces intervalles maintenant (dans la méditation) permet de ne pas être submergé lorsque le "Grand Bardo" de la mort surviendra.
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