Juillet 2013 - MEDITATION et Liberté Bouddhisme et Spiritualité

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Juillet 2013

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LA REVOLUTION INTERIEURE

Au monastère de Namo Bouddha (Népal) Dans une vie antérieure, Bouddha offre son corps pour sauver une tigresse et ses 5 petits affamés

« La révolution intérieure que je préconise n’est pas une révolution religieuse… J’en suis arrivé à la conclusion qu’il n’importait guère qu’un être soit croyant ou non : il est plus important qu’il soit bon. Qu’ils nous viennent du dehors, comme les guerres, la violence et le crime, ou qu’ils se manifestent au-dedans de nous sous forme de souffrances psychologiques et affectives, nos problèmes resteront sans solution aussi longtemps que nous continuerons d’ignorer notre dimension intérieure. C’est cette ignorance qui explique qu’aucun des grands idéaux mis en œuvre depuis plus de cent ans - démocratie, libéralisme, socialisme - n’ait réussi à apporter les avantages universels qu’ils étaient censés procurer. A n’en pas douter, une révolution s’impose. Mais pas une révolution politique, économique ou même technique. Ce siècle en a connu assez pour que nous sachions désormais qu’une approche purement extérieure, aussi utile soit-elle, ne saurait suffire. Ce que je propose est une révolution intérieure.»
Voici des propos du Dalaï-lama, la veille d’une conférence publique qu’il a donnée à Montréal le 3 octobre 2009 sur le thème : Éducation du cœur - la puissance de la compassion.

LA METHODE POUR SE LIBERER
Les trois poisons de base, ignorance, attachement au désir et à la répulsion, qui nous gouvernent, constituent un triumvirat dictatorial. Contre lui la seule révolution à faire est de nous en libérer, par la connaissance juste enseigne le Bouddha. En ce sens l'agnosticisme est un empêchement moderne radical. Chacun d'entre nous, qui prend contact avec le bouddhisme, porte son histoire, ses préjugés, ses attachements positifs et ses craintes. Devant cette nouveauté théorique et pratique, qui peut le déstabiliser, le débutant va se défendre à sa manière. Il risque alors d'utiliser l'enseignement pour limiter la remise en question du moi, en la détournant des zones sensibles.
La manoeuvre est compréhensible mais dangereuse car elle nuit gravement à l'efficacité de la pratique. En effet dans celle-ci, c'est là où ça fait mal qu'il faut chercher. Souvenons-nous que le bodhisattva de la sagesse, Manjushri, brandit l'épée qui tranche les illusions. Cela fait peur, mais après, quelle paix et quel bonheur !

Le même problème s'applique collectivement à l'ensemble des pratiquants bouddhistes, quand il s'agit d'intégrer les caractéristiques occidentales et la pensée scientifique à l'esprit du bouddhisme. Cette intégration de la modernité est possible à condition de transformer celle-ci, ce qui nécessite l'usage de l'épée de Manjushri, pacifiquement bien entendu. Le plat matérialisme doit trouver sa place, en bas, dans la structure verticale des trois mondes : matériel et du désir, de la forme mentale pure, et informel, où le supérieur contient et contrôle l'inférieur. Moyennant quoi le monde matériel sera sagement géré pour le plus grand bonheur de la planète.

En même temps les connaissances scientifiques et leurs méthodes recevront le sommet intégrateur qui leur manque, ce qui supprimera les conflits dualistes meurtriers, qui ravagent même les laboratoires, et dont témoigne par exemple l'hostilité subie par les parapsychologues, en France surtout. Pourtant l'apport de leurs méthodes et les résultats de leurs travaux sont précieux pour le bouddhiste. Ils fournissent une base solide de faits expérimentaux, et une compréhension psychologique affinée des phénomènes déjà connus concernant les pouvoirs et la transmigration ainsi que le déroulement des techniques de méditation.
Ce doit être le travail de la présente génération, et de celles à venir. Mais ce travail ne peut être fait que par l'être qui accepte la présence en lui de la connaisance transcendante, de la capacité de la libération, de la nature de Bouddha, de l'étincelle du Saint-Esprit, peu importe la dénomination, seule compte la connaissance juste.

Chaque être peut donc finalement accéder à la réalité ultime. Nous voilà donc dégagés de l'obstacle central : croire qu'il n'est pas possible de s'en dégager. Au centre de nous-mêmes résident en même temps l'ignorance, le poids du passé, et la lucidité puissante qui les dépasse et les dissout naturellement.
Nous avons à dissiper, dans cette société malade, la sombre proclamation du scientifique Jacques Monod : "L'ancienne alliance est rompue ; l'homme sait enfin qu'il est seul dans l'immensité indifférente de l'univers d'où il a émergé par hasard. Non plus que son destin, son devoir n'est écrit nulle part". (le hasard et la nécessité. Essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne.)
Heureusement pour vaincre le destin et découvrir le devoir là où il a toujours été, en notre esprit, il suffit de comprendre que l'alliance avec l'esprit transcendant et libre, ou nature de Bouddha, existe toujours de façon efficace, sauf lorsque nous la brisons ou la dissimulons.
Dans ces conditions il est facile de lire dans le Canon bouddhique, que le Bouddha déclare : "Celui qui voit le Dharma me voit ; celui qui me voit, voit le Dharma", et que dans l'Evangile le Christ déclare : "Celui qui m'a vu a vu le Père, et je suis dans le Père et le Père est en moi". Alors l'immensité n'est plus indifférente. Au contraire, la sagesse, l'amour et la compassion résorbent les illusions, découvrent les actes efficaces et mettent en oeuvre les procédures pour la résolution fondamentale des conflits. Il ne faut pas viser plus bas si nous voulons que l'humanité se libère de la spirale descendante où elle s'est engagée.

Chaque être étant responsable doit donc simplement apprendre à voir clairement la souffrance en lui, à en discerner les causes, à entreprendre avec confiance le virage éthique de son comportement et la pratique méditative. Ceux-ci développeront la paix et le bonheur par la concentration, tandis que la vision lucide libérera du passé. L'être ainsi devenu un agent efficace pourra faciliter la même évolution autour de lui et dans le monde. Telle est la voie de l'indispensale changement : commencer le travail en moi, là où se trouvent le problème et sa solution, l'illusion et sa transcendance.
Que tous les problèmes et toutes les solutions soient en moi, est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne me fait comprendre que la sagesse et l'amour universels sont au coeur de ce qui me constitue et que ce potentiel rend certaine la libération ultime. La mauvaise me fait porter la responsabilité du travail nécessaire : me débarasser de mon passé et de mes chères illusions sans pouvoir me contenter d'accuser autrui.
La nature de Bouddha en moi permet l'engagement sur la voie et l'accomplissement de cette transformation, mais surmonter les obstacles nécessite du temps, de la patience et de l'énergie. Ainsi donc que tous pratiquent... aussi pour que l'humanité survive... surtout pour qu'elle découvre le bonheur et la libération !

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